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Les quatre jumelles fuient une enfance qui leur colle à la peau, une tragédie originelle, forcément déjà consommée. Cette gémellité, elles la portent comme un fardeau, une présence inopportune de soi à soi, un dédoublement impossible à effacer, même dans la mort. A tel point qu'il devient tentant de changer de peau, de changer de vie, de costume et de sœur, quitte à devenir le cadavre d'une autre. Très vite, la course aux dollars devient un leurre, une chimère peu efficace à masquer les cicatrices ; les jumelles se sont précipitées droit dans un mur nommé Alaska, car il n'y a pas d'échappatoire au paradoxe terrible : impossible d'exister seule, impossible de vivre à deux.
Cet écartèlement, Copi le traite sur le mode du grand guignol, du jeu de massacre jouissif. La drogue est injectée par paquets de seringues, et quand il ne s'agit pas d'héroïne, c'est du talc qu'on inocule. Ici on tue vite, par le pistolet, le couteau, ou à mains nues ; et si l'on meurt dans la souffrance, c'est pour mieux ressusciter bientôt. Juste le temps pour la survivante de ressentir la perte déchirante de l'autre et un fugace sentiment de liberté, une liberté vertigineuse jusqu'à la nausée.
De l'écartèlement utérin à la spirale de la haine au quotidien, autant de drames qui sont traités ici sur le mode sanglant, car il n'y a rien d'immaculé dans cet univers de rancœur. Les meurtres s'enchaînent à un rythme effréné, et même si l'on meurt " pour de faux ", comme il se doit, cette catharsis de sang et de tripes ne tarde pas à laisser percer le drame derrière la farce de potache. Et le rire de se faire amer, et la jubilation de se teinter de gêne, mais la comédie jamais ne s'éteint, la comédie, cette garce sublime qui s'accommode en toute pureté des misères trop humaines.
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